jeudi 25 janvier 2018

Le musée de Marcel




Le musée imaginaire de Marcel Proust du peintre et critique d’art Eric Karpeles répertorie les 300 tableaux évoqués par Marcel Proust dans À la recherche du temps perdu.  -Ma fille a eu l’excellente idée de m’offrir ce bel ouvrage-  Suivant le cours de La recherche et au rythme d’une œuvre toutes les unes ou deux pages, Eric Karpeles restitue le contexte, donne l’extrait du roman et l’accompagne d’une reproduction du tableau. L’image côtoie les mots et rend plus évidente encore la façon subtile et à-propos qu’avait Proust d’exprimer l’émotion visuelle.





Parfois l’océan emplissait presque toute ma fenêtre, surélevée qu’elle était par une bande de ciel bordée en haut seulement d’une ligne qui était du même bleu que celui de la mer, mais qu’à cause de cela je croyais être la mer encore et ne devant sa couleur différente qu’à un effet d’éclairage. Un autre jour la mer n’était peinte que dans la partie basse de la fenêtre dont tout le reste était rempli de tant de nuages poussés les uns contre les autres par bandes horizontales, que les carreaux avaient l’air, par une préméditation ou une spécialité de l’artiste, de présenter une « étude de nuages », cependant que les différentes vitrines de la bibliothèque montrant des nuages semblables mais dans une autre partie de l’horizon et diversement colorés par la lumière, paraissaient offrir comme la répétition, chère à certains maîtres contemporains, d’un seul et même effet, pris toujours à des heures différentes, mais qui maintenant avec l’immobilité de l’art pouvaient être tous vus ensemble dans une même pièce, exécutés au pastel et mis sous verre. Et parfois sur le ciel et la mer uniformément gris, un peu de rose s’ajoutait avec un raffinement exquis, cependant qu’un petit papillon qui s’était endormi au bas de la fenêtre semblait apposer avec ses ailes, au bas de cette « harmonie gris et rose » dans le goût de celles de Whistler, la signature favorite du maître de Chelsea. Le rose même disparaissait, il n’y avait plus rien à regarder.
À l'ombre des jeunes filles en fleurs

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