Longtemps, les conversations téléphoniques ont voyagé en empruntant la liaison ininterrompue des fils conducteurs. Le lien était véritablement physique et nous avions notre interlocuteur au bout du fil. Les mots livrés à l’appareil s’engouffraient dans la prise murale, sortaient de la maison via le branchement des PTT pour monter au poteau, puis, via le standard, suivaient le fil en courant les rues et les campagnes. Ils finissaient leur voyage dans le réseau secondaire et privé comme ils l’avaient commencé. Il fut un temps où l’intervention manuelle était nécessaire pour établir la liaison. Les mots passaient alors entre les doigts des opératrices du standard. Les conversations confiées au fil de cuivre, métal noble, avaient un prix et le voyage intercontinental qui menait les mots par les câbles posés dans les profondeurs océanes était une exception.
Aujourd’hui les mots transcodés et hachés en trames de uns et de zéros voyagent portés par d’invisibles liaisons hertziennes et de mystérieux réseaux filaires ou optiques. Toutes ces conversations qui transitent par les ondes au prix forfaitaire des abonnements de messieurs Bouygues & co, ont perdu leurs grésillements. Elles ont aussi perdu leur noblesse. On appelle maintenant pour la simple contingence du quotidien. Certains prétendent que l’environnement saturé par ce brouhaha téléphonique émis par les antennes relais provoque des céphalées. Joignables en permanence, nous avons réduit notre espace de liberté. Le fil du téléphone est devenu une chaine.
L'arrivée du téléphone dans les services municipaux de la mairie de Nantes en 1882 (archives municipales)